Scène 1 – Hervé et Annabelle :
Hervé : Oh, excusez-moi, vous m'avez fait peur ! J'vous avais pas vu. Pardon.
Annabelle : Oh, vous excusez pas, hein. C'est toujours comme ça : On me voit jamais.
Hervé : Oh, c'est terrible ce que vous dites. On vous voit très bien, j'vous assure. Vous vous appelez comment ?
Annabelle : On m'appelle jamais.
Hervé : Ouais, mais quand on vous appelle.
Annabelle : Oh, c'est rare !
Hervé : Non, mais enfin vous avez bien un nom, un prénom. Y'a bien marqué quelque chose sur la carte d'identité, quand même.
Annabelle : Et voilà ! On me voit jamais et quand on me voit, on me gueule.
Hervé : Mais, oh, mais je vous gueule pas. Je vous demande juste votre nom, s'il vous plaît.
Annabelle : Annabelle.
Hervé : Eh ben, voilà ! Annabelle en plus c'est très jolie y a « belle » dedans. Ça vous va très bien.
Annabelle : Oui, mais des gens m'appellent « Anna ». Quand ils m'appellent.
Elle nettoie la machine.
Scène 2 – Hervé, Annabelle et Franck :
Franck : Moi, je pense, Annabelle que vous manquez de confiance en vous.
Annabelle : Ah, mais j'étais pas comme ça avant de me marier, hein. Vous m'auriez vu, j'étais rebelle. Mais maintenant, il me voit plus.
Franck : Depuis que vous êtes marié, vous avez l'impression de ne plus exister, c'est ça ? C'est un classique ça, Hervé.
Hervé : Ah !
Franck : Et vous en avez parlé avec votre mari ?
Annabelle : Avec Bernard ? Mais on peut pas en parler avec Bernard ! Tous les soirs, il rentre ivre mort, il me cogne puis il s’effondre dans le canapé.
Hervé : Ça doit être assez lourd à porter, ça.
Annabelle : Ben... Surtout quand je suis dedans.
Franck : Enfin, Annabelle vous allez pas passer votre existence comme ça, transparente, hein. C'est ça que vous voulez ? Que les gens voient à travers vous comme à travers... Euh...
Hervé : Une méduse ! Euh... On... On voit à travers les méduses. C'est... c'est... c'est...
Franck : Parfaitement !
Hervé : Ah !
Franck : Tu as raison ! Annabelle ! Vous n'êtes pas une méduse !
Elle met du spray sur la table et passe le chiffon. Hervé retire son café qui venait de poser.
Scène 3 – Hervé, Annabelle et Franck :
Franck : Alors, vous allez lui écrire une lettre et la mettre bien en évidence sur son oreiller. Comme ça, dès qu'il rentre...
Annabelle : Et si il s'endort comme ça d'un coup, sans regarder ?
Hervé : Ben... Il la lira demain matin.
Annabelle : Oui, mais quand il s'endort comme ça, d'un coup, il bave alors si ça déteint, il pourra pas lire.
Hervé : Oh, mais il bave, alors... Le mari de la méduse, là !
Scène 2 – Hervé, Annabelle, Franck et Jean-Claude :
Annabelle : Bon, j'lui mets « Ps : Si toutes fois, tu avais quelque chose à me dire. Tu pourras me trouver... »... C'est quoi votre adresse ?
Franck : Mon adresse ? Mais pour quoi faire ?
Annabelle : Ben... pour moi. Faut bien que j'aille quelque part, maintenant.
Franck : Enfin, vous avez personne chez qui aller ?
Annabelle : Ben... Comment voulez-vous ? J'avais pas prévu de partir, moi ! C'est vous qui m'avez dit de quitter mon mari.
Hervé : C'est un peu vrai ça, hein.
Franck : Mais non, enfin, j'ai jamais dit ça !
Annabelle : Et la méduse ?
Franck : Ben... C'est lui la méduse.
Hervé : Hé, dis donc, la méduse je l'ai fait pour t'aider ! Ça va, oui, attends ! On cherchait un truc transparent.
Franck : De toute manière, vous pouvez pas venir chez moi. C'est pas possible !
Annabelle : Alors vous me forcez à quitter mon mari puis vous me laissez tomber !
Hervé : Mais non, mais... On va trouver une solution, on va trouver une solution.
Annabelle : C'est vrai ?
Hervé : Oui, euh.. Vous m'aviez bien dit que Bernard, il était un peu porté sur la bouteille ? Hein, bon, il est alcoolique, quoi. Alcoolique, alcoolique, on est toujours alcoolique de quelqu'un. C'est trop facile de dire qu'il est alcoolique. Alcoolique par rapport à qui ? Par rapport à quoi ? Qu'est-ce qu'il vous empêche de trinquer avec lui ? Et de faire votre quotidien une véritable fête ? Hein, c'est euh... Hé !
Jean-Claude : Allez, bonsoir tout le monde !
Hervé : Bonsoir Jean-Claude. Bon, ben... il est tard là. Faut y aller ! Vous allez me débarrasser tout ça, euh... C'est... C'est quoi votre nom déjà ?
Franck : Annabelle.
Hervé : Euh... Voilà, Annabelle, hein.
Scène 5 – Hervé, Annabelle et Franck :
Franck : Hervé, tu vas quand même pas la pousser à boire ?
Hervé : Bon, t'es gentil, j'fais ton boulot, là. Tu préfères l'avoir sur le dos ?
Franck : Ouais, remarque, t'as raison ! Annabelle ! On a réfléchi, vous pouvez boire. Mais, alors, buvez... Euh... Avec plaisir, euh... parce que boire avec plaisir, euh... C'est bien meilleur pour la santé mentale... que de boire en culpabilisant, hein.
Hervé : D'ailleurs, je repensais à un truc là. Pour les dix ans de la boîte, on avait reçu une boîte de chartreuse. On a jamais su quoi en... enfin, on la jamais vue. Ben, voilà ce qui serait des meilleures affaires. On ira avec un présent à des boîtes.
La lumière s'éteint.
Hervé : Ah, ben... là, faut vraiment y aller, hein. Bon, allez, tiens. Bon, euh...
Franck : Annabelle !
Hervé : Annabelle, euh... travaillez pas trop encore. Dans le noir, hein, ça fait mal aux yeux.
Franck : Au revoir, Annabelle.
Hervé : Bon, j'te raccompagne ?
Franck : Ouais.
Annabelle : Vous pouvez allumer la lumière ?