Scène d'ouverture
Hervé boit un café avec un jeune homme.
Hervé: Alors Simon, ce stage commercial? T'en fais pas trop baver le sergent instructeur Jean-Claude?
Simon: Non, non, non; je vois du pays. Ça fait cinq jours que j'étais sur Mougier.
Hervé: Ah Mougier! A côté de Mascaille, le cimetière des VRP? Ah, quel salaud! Mougier putain! C'est un classique, remarque.
Scène 1
Simon: Quand t'es sur le terrain, t'as pas le temps de t'emmerder. Et puis tu sais un VRP itinérant, ça se bat en permanence contre les préjugés et autres poncifs sur la province. On a une mission sociale au-delà de la fonction commerciale. Ça c'est Jean-Claude qui rajoute tout le temps...Oui, parce qu'on s'appelle par notre prénom avec Jean-Claude. Je crois qu'on forme une, une vraie team. Il rajoute tout le temps...
Hervé, le coupant: Oui, je la connais la suite: « La voie du commercial c'est la départementale ». Bon la journée tu vois les clients, d'accord. Mais le soir tu fais quoi?
Simon: Bah je vais au resto. C'est passionant! Tu, tu regardes les gens. Les deux hommes se retournent pour voir Fred passer. Tu, tu les observes; y'a plein de choses à voir et à entendre aussi.
Hervé: Et le soir tu rentres dans ton petit cagibi à flot d'autoroute avec les trente tonnes qui t'enrhument dès que t'ouvres ton vasistas?
Simon: Ah non, non, non, non, non! Non, non, en général je me couche super tard à cinq heures. Y'a des accalmies.
Scène 2
Hervé fume une cigarette devant la machine. Simon boit son café, accoudé sur une des tables derrière.
Hervé, moqueur: Alors mais tu fais quoi, solitaire comme un pauvre ver que tu es...
Simon: Mais arrête de te braquer sur le côté tout seul! Hervé rigole. Tu peux pas t'imaginer comment c'est passionnant d'être accoudé à un zinc avec une vue panoramique sur les gens qui discutent. Hervé le rejoint à la table. Ça donne des idées.
Hervé: De mort.
Simon: Bon écoute; je...je t'assure que je m'ennuie pas une seconde quand j'suis là-bas. Parce qu'après tous les soirs, après le bar, je file en boîte et là c'est la fête. On voit Philippe passer.
Hervé: Ouais, ouais...Ibiza, Mougier: même planète. Y'a que le vestiaire qui change. Il rit. C'est un porte-manteau à Mougier.
Simon: Alors là, je dis cliché parce que les boîtes en province, elles sont immenses.
Hervé: Immensément vides.
Simon: Écoute. J'échangerais pas ma vie contre la tienne. Là-bas au moins humainement, je m'enrichis, je fais la recontre avec des gens dont tu soupçonnes même pas l'existence.
Hervé: Ouais. C'est peut-être le soupçon qui m'empêche d'y aller, d'ailleurs.
Scène 3
Jean-Claude rejoint les deux hommes.
Jean-Claude: Ah, Simon! Bonjour...Bon, j'ai ta fiche de route pour la semaine prochaine. Alors...t'as le choix; y'a Bouzon ou... Hervé ricane et reprend sa place devant la machine. Mais enfin l'autre, c'est beaucoup plus classique, hein. Et puis, c'est pas la première fois de terrain. Et comme je te l'ai appris...
Simon: La voie royale du commercial...
Ensemble: ...c'est la départementale!
Simon: Et je dors où à Bouzon? Parce que y'a deux hôtels, et y'en a qu'est pas...
Jean-Claude: Et bah, c'est celui-là! L'autre a fait faillite. De toute façon deux hôtels à Bouzon c'était un de trop, hein? Il ricane.
Simon: Remarque l'avantage c'est qu'il est loin de l'autoroute?
Jean-Claude: Oui, il est juste à côté de la gare de triage. Il fait la grimace.
Simon: Faut que je prépare mes dossiers. Il prend sa mallette.
Jean-Claude: Oui. Et puis du change aussi pour quinze jours.
Simon: Ah quand même! Quinze jours! Mais dis-moi la boîte de nuit, elle était pas dans l'hôtel qui a fait faillite?
Jean-Claude: Affirmatif. Bah y'avait un bordel là-dedans, ça faisait du bruit.
Simon: Faut pas que j'oublie mes bottes en caoutchouc parce que c'est un peu humide là-bas.
Jean-Claude: Pfff oh oui... Hervé sourit.
Simon: Puis une lampe torche pour le soir. Il s'en va.
Jean-Claude: Voilà, allez! Il rejoint Hervé devant la machine à café. Il est bien ce Simon, il est volontaire. Hervé acquiesce.
Scène de fermeture
Hervé: Sinon, c'était quoi l'autre destination?
Jean-Claude: Monte-Carlo. Ah mais c'est trop dur, Monte-Carlo! La foire que j'ai fait l'année dernière! J'étais obligé de prendre des vacances au retour... Non, c'est trop difficile pour lui, trop tôt. Je préfère y aller.
Hervé le regarde en secouant la tête.